Quelles techniques de vente pour prendre les commandes à court terme et fidéliser à long terme ?
Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Eric Julienne.
Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Le choix d’Eric Julienne du C*CM ;
Eric Julienne et Annie Banikema (2017), Vendre à court terme et construire une relation à long terme : les principes d’influence au secours de la vente orientée client, Décisions Marketing n°88, octobre-décembre 2017
Valérie, commerciale de profession, se demande comment elle peut arriver à la fois à prendre des commandes à court terme (car il faut bien réaliser l’objectif de vente) tout en fidélisant ses clients à long terme. Pas simple… Les techniques d’influence facilitent le closing, mais elles suscitent la méfiance des clients. La vente orientée client, qui consiste à écouter le client, l’aider à évaluer ses besoins et lui proposer une solution adaptée, crée la confiance et la fidélité, mais est-ce avec cela qu’elle va conclure les ventes à court terme ?
« Pour conclure une vente, il faut utiliser des techniques d’influence (mais mon client peut croire que je le manipule !)
Pour fidéliser, il faut être orienté client : l’écouter, comprendre ses besoins, proposer des solutions adaptées…
Si je combine les deux, je suis plus performante : je vends à court terme et je fidélise à long terme. »
Le problème
Voici quelques techniques pour obtenir le OUI du client : se rendre sympathique pour l’amadouer, lui offrir un cadeau en espérant la réciprocité sous forme de commandes, proposer une remise exceptionnelle valide jusqu’à une date butoir pour déclencher l’acte d’achat… Ça, ce sont les techniques d’influence. Longtemps privilégiées par les vendeurs pour conclure les ventes, elles peuvent être efficaces à court terme, mais elles suscitent la méfiance des clients qui craignent d’être manipulés, si bien qu’il est très difficile de fidéliser les clients avec ce type de méthode. Or les directions commerciales ont pris conscience que la valeur d’un client n’est pas uniquement dans la transaction à court terme, mais dans la totalité des transactions tout au long de la durée de vie du client (la « valeur-vie client »). En d’autres termes, il ne suffit pas de vendre à court terme, il faut aussi fidéliser à long terme. En conséquence, les commerciaux sont de plus en plus souvent formés aux techniques de vente orientées clients, qui reposent sur l’écoute, l’évaluation des besoins, la proposition d’une solution adaptée, le conseil… Alors, faut-il jeter aux orties les techniques d’influence et ne conserver que les techniques de vente orientées clients ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre deux chercheurs français dans leur article consacré au lien entre techniques de vente et performance commerciale.
La question posée par l’article
Suffit-il au vendeur d’être orienté client pour être performant (la performance étant caractérisée par le fait de vendre à court terme et de fidéliser à long terme) ? Que se passe-t-il si l’on adjoint une dose de techniques d’influence à l’orientation client ?
L’étude des chercheurs
Les auteurs réalisent une expérimentation à partir de trois scenarii mettant en scène un vendeur de matériel informatique qui reçoit en magasin un client à la recherche d’un ordinateur. Dans le premier scenario, le vendeur utilise uniquement des techniques d’influence. Dans le second, ce même vendeur utilise uniquement des comportements orientés clients. Dans le troisième, il combine les deux. Chaque scénario est lu par un échantillon distinct d’individus à qui l’on demande de se projeter dans la situation du client en répondant à 3 questions principales : 1) A la place du client, auriez-vous passé commande ? 2) Auriez-vous confiance dans ce vendeur/ Lui commanderiez-vous à nouveau dans le futur ? 3) Avez-vous le sentiment que ce vendeur cherche à vous manipuler ?
La comparaison entre les réponses des trois échantillons montre que : (1) les techniques d’influence utilisées seules sont sous-optimales, à la fois pour conclure la vente et pour fidéliser, le client se sent manipulé, il est donc réfractaire à passer commande et se méfie du vendeur, ce qui est un obstacle à la relation future ; (2) l’orientation client du vendeur permet de fidéliser, mais est sous-optimale pour conclure la vente, le client ne se sent pas manipulé, il a confiance dans le vendeur, mais il n’est pas incité à commander ; (3) la combinaison des deux est optimale pour conclure la vente et pour fidéliser. L’explication est que les techniques d’influence ne sont pas perçues comme manipulatrices dès lors que le client perçoit l’orientation client du vendeur, ce qui libère sa confiance et réduit les freins psychologiques à la prise de commande. Le sourire du vendeur apparaît comme authentique (et non simulé), son cadeau sincère (et non calculé), et la remise limitée dans le temps apparaît comme une opportunité à saisir (et non un outil de pression).
So what ? L’analyse du C*CM
L’orientation client et les techniques d’influence ne sont pas deux méthodes de vente opposées, mais complémentaires, car elles permettent à la fois les transactions à court terme et la fidélisation à long terme. Elles doivent donc être intégrées dans les programmes de formation des vendeurs pour être utilisées conjointement. Il faut enseigner les comportements orientés clients pour bâtir la confiance, apprendre aux vendeurs à utiliser des techniques d’influence, mais sans chercher à manipuler le client.
Le regard des partenaires
L’intérêt de cette étude est de montrer qu’il est possible de concilier les exigences du court terme (l’impératif des commandes) avec celles du long terme (la construction d’une relation). L’essentiel est que le client n’ait pas la sensation d’être manipulé, téléguidé ou enfermé dans la relation. C’est grâce à cela qu’il prend confiance. Il serait intéressant de vérifier que l’on peut extrapoler ces résultats aux environnements digitaux, dans lesquels les techniques d’influence et d’engagement sont légion, et dans lesquels la confiance joue également un rôle décisif.
Retrouvez chaque semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.
A bientôt !
Maison Du Client.
Le C*CM en bref…
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, ISC
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises. Acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation : les questions, enjeux et pratiques ne cessent d’évoluer.
Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :
- La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
- Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
- Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
- L’accès aux articles n’est pas aisé.
Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !
Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche, liés à la stratégie client, susceptibles de les intéresser. Le C*CM a donc mobilisé au cours des derniers mois les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis en 2017, pour aboutir à 20 idées fortes issues de la recherche à partager avec les managers concernés par le client.
Ces articles ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Les enseignants-chercheurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « So what » qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le « Regard des partenaires » dans lequel nos entreprises partenaires nous livrent les réflexions que leur ont inspirées les articles. Nous n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser le plus les professionnels, ceux qui débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Les enseignants-chercheurs du C*CM sont tous issus d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.
Un premier jeu d’articles a été présenté, lors d’une journée d’échanges, à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs articles préférés. Nous leur donnons la parole dans les premières pages, avant de vous proposer la lecture des fiches de présentation des 20 articles sélectionnés.
Nous sommes donc heureux et fiers de vous présenter cette première édition du Livre Blanc du C*CM, et vous donnons rendez-vous l’année prochaine pour partager avec vous ce que nous aurons retenu de la recherche en 2018 !