Pour les fidéliser, encourez-les à se plaindre… Mais pas n’importe comment !
Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Virginie Pez.
Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Le choix de Virginie Pez du C*CM :
Nita Umashankar, Morgan K. Ward, and Darren W. Dahl (2017). The Benefit of Becoming Friends: Complaining After Service Failures Leads Customers with Strong Ties to Increase Loyalty. Journal of Marketing, November 2017, Vol. 81, No. 6, pp. 79-98.
Rita fréquente régulièrement un salon de beauté d’une grande chaîne d’enseignes de beauté. Ces derniers temps, elle n’était pas satisfaite des soins de son esthéticienne, mais n’a pas osé se plaindre directement auprès d’elle, de peur de nuire à leur relation. Elle a préféré mettre un avis sur le site institutionnel de la chaîne de salons de beauté.
Est-ce que l’enseigne de beauté aurait pu mieux gérer cette réclamation pour la tourner à son avantage, et renforcer son lien avec Rita ?
Plainte auprès de ses proches ? Sur les réseaux sociaux ? A l’entreprise en tant qu’institution ? Auprès du vendeur responsable de l’insatisfaction ?
Comment les entreprises pourraient-elles saisir les occasions de plainte des clients pour améliorer leur relation avec ces derniers ?
Le problème
Les entreprises de service réservent généralement un bon accueil aux plaintes des clients, d’une part car elles leur permettent de s’améliorer, et d’autre part, car elles sont l’occasion de prouver aux clients que l’entreprise est capable d’y réagir efficacement.
Mais utilisent-elles correctement tout le potentiel des plaintes pour rendre leurs clients plus fidèles ? Comment peuvent-elles encore mieux les utiliser ?
La question posée par l’article
Les plaintes clients favorisent-elles ou freinent-elles la création de liens avec les clients ? Les effets de la plainte sur la fidélité sont-ils les mêmes pour tous les clients, les déjà fidèles, et les autres ? Quel mécanisme psychologique explique ce
lien entre plainte et fidélité ?
Au final, cette recherche permet de comprendre comment les entreprises pourraient mieux calibrer leurs procédures de demande de retours clients pour en tirer le meilleur bénéfice possible.
L’étude des chercheurs
Les auteurs s’appuient sur 6 études empiriques, sur données secondaires, et sur données primaires, sous la forme d’études et d’expérimentations.
Ils démontrent que le fait de permettre au client de se plaindre peut aider à construire des liens très forts avec les clients, et donc, à les rendre plus fidèles, mais ce mécanisme n’est pas toujours systématique. Il fonctionne très bien auprès des clients déjà attachés à l’entreprise, mais pas sur les autres.
Pour les clients ayant déjà des liens forts avec l’entreprise, le fait de se plaindre après y avoir été encouragés par l’entreprise permet paradoxalement d’augmenter la fidélité : le fait de donner du feedback ou de faire un retour à
quelqu’un sur sa performance est créateur de lien social et d’attachement psychologique.
A l’opposé, le comportement de plainte n’augmente pas la fidélité si les clients sont faiblement attachés à l’entreprise.
Les études présentées permettent ensuite de comprendre comment les procédures de plainte pourraient être améliorées pour augmenter les bénéfices de la plainte.
Sur ce point, les chercheurs montrent que le lien entre plainte et fidélité est d’autant plus fort que :
- La plainte peut être dirigée directement vers le responsable du « mauvais » service et non à l’entreprise en tant qu’entité relativement anonyme. Mieux vaudrait donc éviter une gestion des réclamations et des feedbacks automatiques via l’outil CRM, perçus comme impersonnels, froids et distants.
- Le personnel démontre un intérêt authentique pour recueillir le feedback des consommateurs, dans une optique de s’améliorer. Pour cela, le personnel devra faire preuve d’empathie, par exemple en parlant de lui et partager ses expériences personnelles, pour se rapprocher du consommateur. Il y a donc un vrai enjeu de formation du personnel !
So what ? L’analyse du C*CM
Nous savions depuis fort longtemps que le moment de la réclamation pouvait tourner à l’avantage de l’entreprise, si celle-ci réagissait rapidement et efficacement au problème du client. On sait maintenant que cela est vrai, et même bénéfique à la fidélité des clients, mais seulement pour les clients qui présentent déjà un attachement à la marque.
Il vaut toujours mieux donner un espace de dialogue pour des plaintes éventuelles des clients, plutôt que de les laisser se plaindre dans un espace « public » non maîtrisé, auprès de leurs proches ou sur les réseaux sociaux. Ici encore, preuve est faite de l’importance du personnel en contact, à la fois pour qu’il sache solliciter du feedback, et le recevoir…
Le regard des partenaires
Même en matière de réclamation, la personnalisation fait ses preuves ! Il est plus que temps de mieux calibrer ce moment du cycle client pour en tirer un meilleur bénéfice.
Assurément aujourd’hui, les entreprises ne personnalisent pas suffisamment les demandes de feedback et ne forment pas assez leur personnel en contact à recevoir et solliciter les plaintes.
Il y a eu de gros progrès ces dernières années (demande de feedback systématique, rappel de clients suite à des feedbacks négatifs…) mais on pourrait encore améliorer les choses, notamment en personnalisant la demande de feedback vis-à-vis du vendeur, ou peut-être du magasin, plutôt que vis-à-vis de l’entreprise institutionnelle. Une bonne pratique à tester !
Retrouvez chaque semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.
A bientôt !
Maison Du Client.
Le C*CM en bref…
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, ISC
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises. Acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation : les questions, enjeux et pratiques ne cessent d’évoluer.
Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :
- La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
- Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
- Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
- L’accès aux articles n’est pas aisé.
Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !
Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche, liés à la stratégie client, susceptibles de les intéresser. Le C*CM a donc mobilisé au cours des derniers mois les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis en 2017, pour aboutir à 20 idées fortes issues de la recherche à partager avec les managers concernés par le client.
Ces articles ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Les enseignants-chercheurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « So what » qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le « Regard des partenaires » dans lequel nos entreprises partenaires nous livrent les réflexions que leur ont inspirées les articles. Nous n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser le plus les professionnels, ceux qui débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Les enseignants-chercheurs du C*CM sont tous issus d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.
Un premier jeu d’articles a été présenté, lors d’une journée d’échanges, à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs articles préférés. Nous leur donnons la parole dans les premières pages, avant de vous proposer la lecture des fiches de présentation des 20 articles sélectionnés.
Nous sommes donc heureux et fiers de vous présenter cette première édition du Livre Blanc du C*CM, et vous donnons rendez-vous l’année prochaine pour partager avec vous ce que nous aurons retenu de la recherche en 2018 !