Comment faire face au déluge de données, ou comment jeter l’eau du bain sans jeter le bébé ?

Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).

Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Pierre Volle.

Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.

Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.

Le choix de Pierre Volle du C*CM


Brent Kitchens, David Dobolyi, Jingjing Li et Ahmed Abbasi (2017), Advanced Customer Analytics: Strategic Value Through Integration
of Relationship-Oriented Big Data, Journal of Management Information Systems, 35, 2, 540-574.

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Marion est Chief Data Officer pour un site marchands en B2B. Avec plus de 400 000 clients, plusieurs milliers de produits et plusieurs millions de transactions, le volume de données captées par les différents systèmes d’information (transactions, commentaires sur les produits, échanges sur l’ensemble des canaux…) a considérablement augmenté depuis quelques années. Comme l’ensemble du comex,
Marion sait que la maîtrise des données constitue un avantage concurrentiel sur ce marché. D’ailleurs, les moyens alloués à son service n’ont cessé d’augmenter, en termes de budget comme d’effectif, malgré la rareté des profils de « data scientists ». Pour autant, quelle méthode adopter pour décider quelles informations doivent être prioritairement intégrées et valorisées ? L’étude menée par Kitchens et ses collègues répond en partie à cette interrogation.

Le problème

Face au déluge de données, les managers comme les spécialistes peuvent être désemparés. Ils sont confrontés à des choix drastiques pour intégrer et exploiter les données à forte valeur ajoutée.
Mais lesquelles ?

La question posée par l'article

La capacité à analyser des données massives à propos des clients constitue assurément un avantage concurrentiel. Mais quelles données intégrer en priorité ?

L'étude des chercheurs

Dans une perspective de « design science » – lorsque la recherche vise fondamentalement non pas à expliquer le monde qui nous entoure, mais à inventer des outils – les chercheurs proposent une méthode pour développer une infrastructure de données agile permettant de dépasser les silos organisationnels, en intégrant des données provenant de sources multiples.

La recherche vise à développer un modèle prédictif de la conversion, de la rétention et de la valeur à vie d’un portefeuille de plus de 660 000 clients d’un site marchand, chacun décrit par plus de 1 000 caractéristiques.

Elle repose sur la modélisation de données massives par les méthodes d’apprentissage automatique (composite convolution kernel support vecteur machine). Le modèle considère également le coût des données dans la décision d’intégrer telle ou telle source. Par ailleurs, notons qu’à la différence des approches purement exploratoires (fouille des données), cette méthode repose sur les théories du marketing relationnel puisqu’elle repose sur le calcul d’indicateurs de satisfaction ou d’engagement.

Finalement, la méthode propose de calculer un ensemble d’indicateurs sophistiqués (portfolio of advanced analytics) pour prédire la performance commerciale du site marchand et débouche sur l’identification des sources de données les plus critiques, structurées ou non (commentaires sur les produits ou contenus des messages échangés avec le site, par exemple). Cette méthode aide clairement les managers à comprendre la valeur des données dont ils disposent dans toute l’organisation.

So what ? L'analyse du C*CM

Cette recherche montre que le rôle des chercheurs n’est pas seulement de décrire, expliquer ou prévoir des phénomènes, mais également d’élaborer des méthodes efficaces applicables dans des organisations. Cette recherche montre également que les méthodes d’apprentissage automatique sur données massives rentrent progressivement dans le champ de la recherche académique. Par ailleurs, la
méthode est intéressante car elle montre l’intérêt de collecter des données « soft » (satisfaction, recommandation…) et pas seulement des données « hard » (transactions, usages…). Autrement dit, les concepts relationnels sont utiles pour améliorer la performance commerciale. Par ailleurs, la méthode intègre cette notion de coût des données qui est souvent ignorée par les entreprises.

Le regard des partenaires

Aujourd’hui, les données sont tellement massives qu’il n’est plus possible de tout collecter pour ensuite déterminer ce qui sera utile. De fait, être en capacité de déterminer quelles données valoriser en priorité devient une capacité critique. Cette capacité repose sur une étroite coordination entre équipes commerciales et équipes informatiques. Si les équipes marketing étaient limitées par les technologies,
elles sont désormais dépassées.

Dans ce contexte, il est important d’investir dans le développement de  compétences en data marketing. La méthode proposée ici est intéressante car elle nécessite au préalable de savoir dans quel objectif collecter prioritairement les données (conquête, rétention…). Une fois les priorités « business » bien définies, ce qui reste le rôle essentiel du décideur, l’intelligence artificielle apporte un soutien considérable. La méthode d’apprentissage automatique utilisée ici est particulièrement pertinente dans la mesure où il est possible de retracer le lien entre la priorité « business » et le résultat de l’analyse. Ce n’est pas une boîte noire, contrairement à de nombreux algorithmes. C’est dans un équilibre entre les données observées (comme les usages) et les données déclarées (comme les commentaires sur les produits) que l’on pourra améliorer les modèles de compréhension.

Retrouvez deux fois par semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.

A bientôt !

Maison Du Client.

Le C*CM en bref…

Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des  clients :

  • Thierry Delecolle, ISC
  • Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
  • Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
  • Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
  • Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
  • Gilles N’Goala, Université de Montpellier
  • Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
  • Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
  • Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
  • Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
  • Françoise Simon, Université Haute Alsace
  • Eric Stevens, ESSCA
  • Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL

Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.

Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !

Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation, etc. Pour étudier en profondeur ces questions stratégiques, le C*CM mobilise les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis.

Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :

  • La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
  • Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
  • Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
  • L’accès aux articles n’est pas aisé.

Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !

Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche liés à la stratégie client qui pourraient les intéresser. La première édition de livre blanc est parue en septembre 2018 et a rencontré un véritable succès.

Les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Cette année, Grégoire Bothorel (Numberly), a participé à cette édition en proposant un article sur vingt. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le so what qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le regard des pros dans lequel nos entreprises partenaires livrent leur analyse.

Nous  n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser les professionnels, car ils débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Nous sommes tous d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.

Un premier jeu d’articles a été présenté à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs préférés. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.

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