A chaque servicisation industrielle, un type d’organisation orientée client efficace
Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Florence Jacob.
Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Choix de Florence Jacob du C*CM :
Laure Ambroise, Isabelle Prim-Allaz, Christine Teyssier (2017), Financial performance of servitized manufacturing firms: A
configuration issue between servitization strategies and customer-oriented organizational design, Industrial Marketing Management.
La servicisation représente une évolution des entreprises industrielles, qui proposent des services nouveaux et/ou ajoutent des services à leur offre actuelle de produits. Il existe 3 niveaux stratégiques de servicisation :
- Les services additionnels (par ex. proposition de financement par leasing), le « Doing it yourself » ;
- La reconfiguration de l’activité (par ex. offre d’un bouquet de mesures et d’analyse de mesures d’un moteur pour faire de la supervision), le « Do it for them » ;
- La reconfiguration du business model (par ex. Proposition d’abonnement à un flux de livraison produits et consommables avec assistance premium) , le « Do it with them ».
Le problème
On voit souvent la stratégie de servicisation des entreprises industrielles comme une stratégie gagnante et profitable. Pourtant, les dernières recherches sont non concluantes sur cette affirmation et les résultats des recherches sur le sujet sont souvent divergents. On appelle cela le « service paradox ».
La servicisation est censée permettre aux entreprises d’atteindre de nouveaux avantages compétitifs, mais elle implique des investissements lourds, des changements organisationnels ainsi que l’acquisition de nouvelles compétences afin de passer d’un modèle d’offre produits à un modèle d’offre produits-services.
La question posée par l’article
A quelles conditions une politique de servicisation industrielle est-elle efficace ? Quelle architecture organisationnelle orientée client favorise la réussite de cette stratégie ?
L’étude des chercheurs
Les auteurs ont interrogé 184 PDG de PME françaises qui ont une offre de produits et de services. 39% ont moins de 10 salariés et 49% ont entre 10 et 49 salariés.
Ils ont été interrogés sur le type de stratégie de servicisation mise en place dans leur entreprise (services additionnels, reconfiguration de l’activité et reconfiguration de leur business model) ainsi que sur leur organisation et leur orientation client (culture de service, le niveau d’interfaçage avec le client et le niveau du système de délivrance du service).
Ils ont ensuite mesuré si le type d’orientation client était lié à un type de servicisation et si cela permettait d’expliquer la performance financière de la PME. Leurs résultats montrent que ce lien existe et qu’il faut associer à un niveau stratégique de servicisation, un type d’organisation orientée client :
So what ? L’analyse du C*CM
La politique de servicisation est souvent perçue par les dirigeants comme longue et coûteuse à mettre en place. Elle implique aussi d’attendre à moyen terme le retour sur investissement.
Cette recherche enjoint les entreprises souhaitant se lancer dans une stratégie de servicisation à mieux préparer leur transformation organisationnelle et, surtout, à insister sur la mise en place d’une culture d’entreprise servicielle.
Cette étude montre aussi que si l’entreprise industrielle ne fait qu’ajouter des services additionnels à son offre produit alors elle n’a pas besoin de développer une nouvelle organisation et de nouvelles compétences orientées client.
Avant de commencer à passer à la servicisation, il est important de savoir si l’offre produit est correctement délivrée, car elle reste le socle commercial. Avant de commencer à faire le premier niveau et de proposer des services additionnels, il est important que l’offre produit soit excellente.
Le deuxième modèle de servicisation semble compliqué car on doit reconfigurer tout le processus de vente.
Quand Leroy-Merlin est passé de la vente de meubles de cuisine à l’offre de cuisiniste, cela a nécessité d’aller chez le client et ce n’est plus le même métier. Au-delà de 15% de service, on change de processus de délivrance de l’offre et c’est très long et complexe.
Le 3ème niveau semble le plus tentant mais l’entreprise doit alors faire une extension discontinue.
Par exemple, quand Samsung ou LG vont offrir des réfrigérateurs vraiment connectés, on va leur demander de fournir des listes de courses et de se connecter aux drives.
Le rôle et la puissance financière des GAFA deviennent prégnants car ils ont la capacité d’acheter des entreprises qui complètent leur business model. Cette orientation service deviendra alors primordiale.
Comme illustration, on peut s’intéresser à Leclerc qui attaque le marché de la distribution alimentaire à Paris. On va voir alors une guerre d’excellence logistique menée par Amazon vs une pratique orientée client par Leclerc. Nous pensons que c’est la pratique commerciale qui va gagner.
Retrouvez chaque semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.
A bientôt !
Maison Du Client.
Le C*CM en bref…
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, ISC
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises. Acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation : les questions, enjeux et pratiques ne cessent d’évoluer.
Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :
- La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
- Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
- Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
- L’accès aux articles n’est pas aisé.
Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !
Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche, liés à la stratégie client, susceptibles de les intéresser. Le C*CM a donc mobilisé au cours des derniers mois les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis en 2017, pour aboutir à 20 idées fortes issues de la recherche à partager avec les managers concernés par le client.
Ces articles ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Les enseignants-chercheurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « So what » qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le « Regard des partenaires » dans lequel nos entreprises partenaires nous livrent les réflexions que leur ont inspirées les articles. Nous n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser le plus les professionnels, ceux qui débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Les enseignants-chercheurs du C*CM sont tous issus d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.
Un premier jeu d’articles a été présenté, lors d’une journée d’échanges, à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs articles préférés. Nous leur donnons la parole dans les premières pages, avant de vous proposer la lecture des fiches de présentation des 20 articles sélectionnés.
Nous sommes donc heureux et fiers de vous présenter cette première édition du Livre Blanc du C*CM, et vous donnons rendez-vous l’année prochaine pour partager avec vous ce que nous aurons retenu de la recherche en 2018 !