Engagez-vous, rengagez-vous, qu’ils disaient…
Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, ISC
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation, etc. Pour étudier en profondeur ces questions stratégiques, le C*CM mobilise les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis.
Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :
- La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
- Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
- Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
- L’accès aux articles n’est pas aisé.
Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !
Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche liés à la stratégie client qui pourraient les intéresser. La première édition de livre blanc est parue en septembre 2018 et a rencontré un véritable succès.
Les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Cette année, Grégoire Bothorel (Numberly), a participé à cette édition en proposant un article sur vingt. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le so what qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le regard des pros dans lequel nos entreprises partenaires livrent leur analyse.
Nous n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser les professionnels, car ils débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Nous sommes tous d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.
Un premier jeu d’articles a été présenté à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs préférés. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.
Dans notre environnement digital, l’engagement est devenu une « top priorité » pour les marques qui souhaitent ainsi s’allier leurs clients et les faire contribuer à leurs propres actions marketing. A côté des initiatives visant à obtenir une action précise des clients (co-promotion, co-innovation, etc.), parfois contre rétribution, se sont développées des initiatives plus expérientielles, dont le but est de produire des expériences multisensorielles et sociales qui ont un impact plus large et plus durable sur les clients et les marchés. De nombreuses marques ont ainsi misé sur des stratégies d’engagement expérientielles, comme par exemple Absolut avec son « electrik house » party à Los Angeles (180M d’impressions sur les réseaux sociaux), Anheuser-Busch avec sa « Bud Light’s up for whatever » (1,8M de participants), Nikon avec sa « Warner Sound captured by Nikon » (46 M sur les news, 166M sur les réseaux sociaux) ou encore Sprite avec son « sprite corner » (908M sur les réseaux sociaux et 120M de vues de vidéos générées par les participants). Comment peut-on analyser et comprendre ces phénomènes ?
Le problème
La notion d’engagement client reste extrêmement polysémique et n’exprime pas clairement sous quelle forme cet engagement peut concrètement s’exprimer. L’analyse des stratégies d’engagement mises en œuvre dans les entreprises est, en outre, extrêmement centrée sur une tâche unique que l’on souhaite voir accomplir par le client (poster un commentaire, aider les autres clients, concevoir un nouveau produit, etc.). Comme l’attestent de multiples travaux, cette stratégie est à la fois coûteuse pour l’entreprise et inefficiente sur le long terme. En outre, cette perspective donne de l’engagement une vision très instrumentalisée, très dirigée et guidée par l’entreprise alors même que cet engagement peut aussi être une fin en soi pour le client, synonyme d’autonomie, de plaisir et de lien social. Les marques doivent ainsi changer d’horizon spatial (action précise vs. ressources engagées) et temporel (court terme vs. long terme) et développer en conséquence d’autres mécanismes d’engagement.
La question posée par l'article
Cette recherche, principalement conceptuelle, poursuit trois objectifs complémentaires :
1) déterminer quelles ressources le client engage au bénéfice de la marque et comment celle-ci peut en tirer un meilleur avantage ;
2) identifier et détailler les deux grandes stratégies d’engagement des marques, centrées sur la tâche et/ou sur l’expérience, à partir de pratiques concrètement observées ;
3) examiner empiriquement comment la stratégie d’engagement expérientielle aboutit à un plus fort engagement du client, en particulier au travers d’une transformation de son concept de soi.
L'étude des chercheurs
Les quatre chercheurs se fondent principalement sur la littérature et sur l’observation des pratiques pour identifier les ressources engagées par le client et les stratégies d’engagement mises en œuvre par les marques.
D’abord, ils identifient quatre types de ressources du client que la marque peut activer à l’aide d’outils : les clients disposent d’un réseau social qu’il convient d’amplifier (retweet, share, reblog…), d’une force d’influence et de persuasion dont l’effet serait démultiplié s’ils étaient davantage connectés (follow, forums, hashtags…), d’une connaissance des produits, services et marques qui pourraient être mieux exploitée au travers d’outils de feedback (ratings, likes, …) et, enfin, d’une force créative qui serait mobilisable sur des plateformes d’innovation, dans des ateliers de design ou des labs virtuels.
Ensuite, ils distinguent les stratégies d’engagement centrées sur une tâche et un avantage extrinsèque à court ou moyen terme (work) de celles qui misent sur la production d’expériences (play) et marquent plus durablement les esprits.
Alors que, selon eux, la première stratégie renforce le sentiment de possession psychologique du client vis-à-vis de la marque (what is mine ?), la seconde favorise une transformation du concept de soi (who am I ?).
Cette seconde proposition a été testée auprès des clients d’une enseigne de distribution qui organise chaque année une grande course accueillant environ 27000 coureurs. 1203 répondants ont répondu avant et après la course sur leur niveau d’engagement vis-à-vis de l’enseigne, ce qui a permis de démontrer l’impact positif de l’expérience de marque sur la transformation de soi et, indirectement, sur le niveau d’engagement (bouche à oreille en particulier).
So what ? L'analyse du C*CM
Cet article clarifie les stratégies d’engagement et représente une forme de critique des pratiques d’entreprise centrées sur l’accomplissement d’une tâche précise à court terme. Elle suggère que les marques peuvent mieux tirer parti de la multitude de ressources des clients si elles les engagent volontairement dans des expériences marquantes, multisensorielles et stimulantes. La performance sur le long terme est à ce prix.
Le regard des partenaires
Une discussion doit être menée sur la valeur des clients engagés et le retour sur investissement dégagé grâce aux expériences de marque. Ne peut-on pas réserver ces expériences de marque aux seuls clients les plus rentables alors que les autres seraient davantage engagés dans des tâches concrètes avec la marque ? De nouvelles mesures de performance seraient nécessaires pour appréhender les conséquences à la fois financières et « marketing » des expériences de marque et mieux piloter l’engagement des clients.
Retrouvez chaque semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.
A bientôt !