La relation client, présent et futur

Je mène depuis les années 96 des projets CRM de relation client. Initialement comme donneur d’ordre et représentant du business aux côtés d’un interlocuteur Système d’Information, puis comme consultant ; aujourd’hui comme entrepreneur et enseignant. A chaque fois je suis surpris par l’emprise de la DSI sur le projet.

La relation client, présent et futur.

En soi il ne s’agit pas de reprocher aux directions des systèmes d’information leur implication, mais sur le fond il s’agit de s’assurer que les enjeux business sont bien ceux qui portent la réflexion et plus encore le choix de la solution.

De la PME familiale au laboratoire pharmaceutique de dimension internationale, l’enjeu est cependant le même, comment associer à une culture produit une dimension client ? Cet enjeu dépasse bien largement le seul périmètre des architectures techniques. C’est d’ailleurs à ce titre que nous sommes un certain nombre à insister pour distinguer « CRM » de « GRC ». Le concept CRM se limite à la dimension outils, c’est-à-dire à une suite de logiciels, tandis que la dimension Gestion de la Relation Client porte le débat sur les enjeux stratégiques de l’entreprise. Que veut-elle faire de sa relation avec ses clients ? Bien plus qu’un simple débat sémantique, cette posture permet de définir précisément l’enjeu de notre époque : construire et maitriser la relation client dans le temps. De fait l’offre de solutions orientée client est devenue plus stratégique que la capacité de production par exemple.

Dans un tel contexte la relation client, ou plus précisément « la stratégie client » nécessite en premier lieu une vraie définition du terme : « client ».
  • Qui sont les clients de l’entreprise ? BtoB, BtoC ou encore BtoBtoC…. Autorités, acheteurs, influenceurs, Key Opinion Leader, prescripteurs, distributeur, chef de rayon… ou consommateurs. Associée à cette question, une autre interrogation doit trouver une réponse
  • Qu’elles sont les attentes spécifiques à chaque catégorie de client ? En effet, si tous les clients sont importants, tous n’ont pas les mêmes attentes. Pour les clients clés, les parcours et les moments de vérité associés devront être identifiés, les canaux utilisés entrant et sortant inventoriés, les attentes caractérisées et la satisfaction pilotée.
  • Enfin, la notion même de valeur client devra être abordée. Valorise-t-on le client par rapport à son historique (valeur RFM par exemple) ou par rapport à son potentiel (Life Time Value) ? Les allocations de ressources devront en tenir compte…

Simultanément l’entreprise n’échappe pas à une autocritique de son organisation. Tout comme elle ne peut pas faire l’économie d’une hiérarchisation de ses priorités et de leur évolution dans le temps : mon enjeu client à 2 ans est-il équivalent à celui à 5 ans ? Dois-je traiter la relation client actuelle ? Celle de dans deux ans ou celle de dans cinq ans ? Comment intégrer le digital et son corolaire le « PMOT », Permanent Moment Of Truth, en lieu et place des ZMOT, FMOT, SMOT et UMOT (cf travaux de Procter & Gamble et de Google : Jesper Wiegandt, Marketing Director, Procter & Gamble. Think with Google).

La réflexion avale ne peut faire l’économie d’une définition, d’un bornage et d’une validation des enjeux métiers. Si je prends l’exemple de l’industrie pharmaceutique, que je connais bien, un laboratoire doit d’abord répondre à la question « QUI sont mes clients » et « QUELLES sont leurs attentes » ? QUELLE valeur je leur octroie ? Les régulateurs du marché (le market access), les Key Opinion Leaders, les prescripteurs (les médecins), les distributeurs (les pharmaciens), les associations de patients ou encore les patients eux-mêmes ? Tous sont importants mais et ont des attentes différentes. Impossible face à une telle complexité de trouver « la » solution CRM qui couvrira l’ensemble des périmètres opérationnelles… Et ce d’autant plus si le traitement de « la relation client » s’inscrit dans une dimension internationale, ce qui par définition est une gageure tant les spécificités pays seront diverses et structurantes !

Associer à une prise de conscience « métier » impactant l’organisation, la DSI se doit de chercher la solution la plus large possible à même de répondre aux priorités « métiers » tout en étant suffisamment souple pour s’adapter aux spécificités locales. Dans un tel contexte les solutions en mode Saas construites sur la base d’un socle commun sur lequel des interfaces métiers spécifiques peuvent venir s’incrémenter, au moins dans les phases d’appropriation, possèdent un véritable avantage concurrentiel.
Pour chaque grande famille de clients : prescripteurs, distributeurs, consommateurs, je recommande la mise en place à minima d’un référentiel unique, d’un outil de force de vente et d’un outil de centre de contact. Dans la continuité de ce premier lot, j’invite ensuite les entreprises à mettre en œuvre leurs actions de marketing opérationnel omnicanal pour interagir avec les clients et collecter suffisamment d’informations pour justifier le lot 3 : le datamining.

Une stratégie client, tout comme une solution CRM s’élabore progressivement en s’assurant de l’appropriation progressive des différentes étapes et leur validation. Des POCs successifs seront indispensables pour rassurer l’ensemble des décideurs du dispositif, en premier lieu la direction générale.

La relation client du futur

Par le constat même que la technique ne doit pas driver les organisations, la relation client du futur existe déjà. Sa dimension « révolutionnaire », au sens copernicien du terme, pour paraphraser Stéphane Hugon (Eranos) est cependant largement sous-estimée, tout comme les impacts de la connectivité des objets. Le centre des préoccupations n’est plus le couple entreprise/produit (ou la terre), mais le binôme client/solution (ou le soleil). A horizon de quelques années la capacité de faire « avec le client » sera la clé du succès des entreprises. D’une posture Parent Dominant (la marque) versus Enfant Soumis (le client) : je sais ce qui est bien pour toi…. Je constate que les organisations mutent vers une relation d’Adulte à Adulte. « Ensemble nous allons construire », « PAR toi », je vais avancer… (Philippe Maoti et al, Des marchés transactionnels aux marchés relationnels CREDOC 2005).

La technique ne constituera plus un frein, mais un facilitateur pour les hommes et femmes d’une structure marketing-vente unifiée. L’animation de la nouvelle relation « marque-client » constituera son challenge quotidien. L’Internet des objets, la fluidité des transferts d’information, la maturité des systèmes CRM et leur agilité auront définitivement transformé une organisation structurée par et autour des solutions, vers des organisations vivantes et souples capables de s’adapter en temps réel aux attentes client.

Chacun des collaborateurs de l’entreprise devra avoir conscience de son statut d’acteur de la relation client. L’entreprise elle-même orientée client n’aura de cesse de favoriser l’autonomie de ses salariés par la formation et la responsabilisation. La proximité client et la culture client constitueront les facteurs clés de succès ; la hiérarchie n’ayant pour objectif que de permettre aux collaborateurs en contact client d’être encore plus performants (Vinet Nayar, « Employees first, customer second »).
Pour reprendre l’exemple de l’industrie pharmaceutique, cela signifie très probablement une régionalisation des centres de décision de façon à installer une relation client adaptée au terrain. Celle-ci permettra plus de proximité, de complicité et d’interactivité entre tous les acteurs d’une même zone géographique.

La relation client rêvée par le client

Cette nouvelle ère qui se dessine répond par définition aux enjeux clients, à la relation attendue par les clients. Etre pris en compte et respecté comme un individu unique et source de création de valeur, autre que financière à court terme pour la marque. Ne pas avoir à subir les contraintes techniques de systèmes d’information « techno-centrés », mais dialoguer avec la marque dans un contexte de valorisation réciproque ne peut que profiter à chacun. Les clients y seront valorisés et choyés tandis que les entreprises et leurs équipes seront sublimées.

Une telle révolution gravitant autour du client et de son « humanité » ne peut que satisfaire les acteurs de la relation et installer une relation basée, non plus sur la satisfaction, mais sur la confiance. La marque me respecte, dans mes prises de paroles et avis, mais aussi dans mes silences. Demain, les moments de vérité seront permanents, il conviendra pour les collaborateurs de savoir les identifier et les respecter. La légitimité de la marque et de son système d’information hyper connecté sera à ce prix.

Dans un tel contexte, et pour rester sur mon exemple, le défi à relever par l’industrie pharmaceutique sera son rapport aux objets connectés et à leur conséquence le « big data ». A la prise de pouvoir du couple patient/maladie, devra répondre une organisation « professionnels de santé/laboratoire » humble et à l’écoute, intelligente et souple. La restauration d’un climat de confiance entre ces différents acteurs est à ce prix.

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