Peut-on se permettre d’être à la fois responsable et irresponsable ?

Nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Aujourd’hui Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail d’Isabelle Prim-Allaz.
Ce livre blanc propose une synthèse de 14 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Le choix d’Isabelle Prim-Allaz du C*CM :
Peasley M.C., Woodroof P.J. & Coleman J.T. (2021). Processing contradictory CSR information: the influence of primacy and recency effects on the consumer-firm relationship. Journal of Business Ethics, 172, 275-289.
Partie 3 : Développer une relation client durable
Peut-on se permettre d’être à la fois responsable et irresponsable ?
Mary travaille dans une entreprise du secteur de la chimie. Son rôle consiste à définir et piloter les actions RSE. Elle est fière de son travail et des résultats obtenus par ses collègues dans ce domaine. Elle aimerait le faire savoir au grand public et changer l’image un peu négative de son entreprise. Jarry, responsable marketing, a une toute autre vision. Il préfère garder ces arguments au cas où un incident se produirait en guise de compensation. Qui a raison ?

Le problème
La RSE prend une place croissante dans la vie des entreprises. Si elles mettent en place des actions en lien avec cette question, elles peuvent aussi être exposées à des événements négatifs. Comment les entreprises doivent-elles gérer l’articulation entre des actions positives qu’elles mènent et des impacts négatifs qu’elles peuvent causer simultanément et dont l’opinion publique peut se saisir ? Vaut-il mieux être proactif et communiquer de façon large les actions positives, ou bien faire sans dire et utiliser ces arguments lorsqu’un problème arrive ?
La question posée par l'article
Quel est l’effet d’une activité socialement irresponsable sur les consommateurs lorsque cette activité est simultanément mêlée à la promotion par l’entreprise de ses activités de RSE ?
Le fait que le client soit engagé vis-à-vis de l’entreprise change-t-il quelque chose ?
L'étude des chercheurs
La recherche étudie comment des facteurs internes (expérience client) ou externes (réputation en termes de RSE de l’entreprise) impactent la relation client en présence d’informations contradictoires en termes de RSE. 325 répondants ont complété 4 enquêtes successives sur une période de 2 mois, ces mesures répétées permettant de suivre les évolutions au fil du temps. La moitié des répondants a été soumise à une séquence proactive (information positive puis négative) et l’autre à une séquence réactive (information négative puis positive).
Les résultats montrent qu’une forte réputation en matière de RSE conduit à des scores d’engagement plus élevés alors qu’une faible réputation en matière de RSE conduit à des scores plus faibles. Cependant les entreprises ne peuvent pas tout miser sur une bonne réputation qui ne les protège au final pas d’une information négative.
Dans les deux cas (CSR–CSI ou CSI-CSR), la relation à la marque est impactée. Cependant, la récence de l’information impacte le plus la relation, plus que la primauté de l’information. Autrement dit, c’est la dernière information reçue qui compte le plus, en particulier lorsque la dernière information est positive. Cela met en évidence l’importance d’une stratégie réactive.
Cependant lorsque la relation pré-existante entre l’entreprise et ses clients est forte, l’effet de primauté est renforcé et rend une stratégie proactive plus efficace. Autrement dit, les clients ayant peu de relation à la marque sont plus sensibles à une stratégie réactive; les clients ayant une relation forte, la connaissent mieux, ont en mémoire des expériences positives et ont ainsi tendance à plus pardonner.
So what ? L'analyse du C*CM
Les résultats empiriques montrent que les entreprises peuvent conduire une stratégie proactive auprès de leur clientèle engagée et une communication réactive auprès du public en général. Construire une relation solide avec ses clients est plus que jamais une protection !
Le regard des partenaires
Cette recherche questionne le rôle des marques dans le monde d’après : être vertueux mais sans le dire pour que les clients puissent y voir une motivation intrinsèque à la cause défendue (agir pour la planète de façon sincère) et non une motivation extrinsèque, orientée vers soi (en tirer profit).
Elle a par ailleurs le mérite de faire la distinction entre une communication grand public (communiquer de façon réactive) et une communication à son cœur de clientèle (communiquer de façon réactive, notamment à travers les programmes de fidélité).
En revanche, comme cette recherche a été conduite aux Etats-Unis, on peut s’interroger sur son caractère transposable en France, où il semble que nous soyons culturellement relativement sceptique vis-à-vis de la RSE.
A bientôt !
Maison Du Client.

Le C*CM en bref…
Le CCM (Center for Customer Management) est un espace d’échanges entre académiques et professionnels à la pointe du management de la relation client. Il associe les responsables, consultants et chercheurs dans la réflexion sur les pratiques, les expériences et les tendances sur ce que sera la stratégie client de demain.
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 14 chercheurs français d’horizons divers, spécialistes de la relation client, désireux d’enrichir, par les échanges entre milieux académiques et professionnels, la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, Pôle Léonard de Vinci
- Kiane Goudarzi, Université Lyon 3
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, CY Cergy Paris Université
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon 3
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. De ces interactions régulières naissent des apprentissages riches et partagés qui donnent tout son sens au C*CM : un hub d’actualisation et de développement des connaissances en vue du renforcement d’expertises sur la stratégie client.
Les livres blancs en bref
Chaque année, depuis 2018, le C*CM produit un livre blanc dont l’objectif est de proposer des synthèses accessibles des recherches, en faisant le pont entre la recherche académique et les praticiens. Il participe ainsi à l’enjeu d’une science ouverte, dont les résultats sont partagés et discutés par le plus grand nombre.
Les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues faisant référence. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le so what qui explique comment tirer parti de ces expériences dans les pratiques d’entreprises. Nos entreprises partenaires livrent leur propre analyse dans un commentaire qui conclut la présentation de l’article.
Le choix des articles est justifié par leur capacité à susciter l’intérêt des praticiens et à déboucher sur des réponses concrètes et des recommandations pratiques. La diversité des membres du C*CM permet d’enrichir le livre blanc d’approches complémentaires, par l’accent mis sur le digital, l’approche servicielle, les programmes de fidélité ou encore l’expérience client…
Le livre blanc 2022, en bref…
Au fil des années, le client s’est imposé comme un capital précieux que les entreprises cherchent à fructifier à travers différentes stratégies et techniques. Acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients ou encore dématérialisation de la relation sont des exemples de pratiques souvent étudiées par les recherches présentées dans les précédentes éditions de ce livre blanc.
Cette nouvelle édition, peut-être parce qu’elle marque une date anniversaire symbolique de 5 ans, propose de faire le bilan sur ces pratiques à travers 3 grandes thématiques :
1. Mesurer l’expérience client : peut-on proposer une expérience riche et unique si l’on est incapable de la mesurer et de comprendre ce qui l’anime ? Certainement pas. Les recherches de cette thématique permettent d’abord de mieux appréhender l’expérience client en tant qu’une aventure collective et non solitaire. Elles nous permettent ensuite de nous ressaisir de certains leviers d’animation de l’expérience client pour mieux en comprendre les conditions d’efficacité : les programmes de fidélité et les études de satisfaction comme leviers opérationnels et le customer success management comme levier organisationnel.
2. Augmenter la relation client par la data et l’intelligence artificielle (IA) : l’IA réunit beaucoup de fantasmes, parfois plus proches de Star Wars et de Dune (pour les fins connaisseurs !) que de la réalité des entreprises. Les recherches présentées dans cette thématique font un bilan en étudiant les applications concrètes de l’IA de manière générale et dans le retail en particulier. Elles permettent ainsi de mieux comprendre l’efficacité de techniques liées à la lecture de pensées et aux algorithmes de personnalisation et de retargeting.
3. Développer une relation « durable » : la transition vers un nouveau modèle de société, plus sobre d’un point de vue énergétique et plus juste d’un point de vue social, s’impose à nous avec une réelle urgence. Loin d’y échapper, les entreprises sont appelées à participer à cet effort collectif. Comment alors embarquer les clients et les collaborateurs dans ce défi ? Comment gérer ses propres paradoxes et justifier son irresponsabilité lorsqu’on essaie d’œuvrer pour le responsable ? Les recherches présentées ici tentent d’offrir des premières pistes de réponses à ces questions cruciales. L’ouvrage collectif sur les nouvelles frontières de la stratégie client, porté par les membres du C*CM et qui paraitra au premier semestre 2023, permettra de les approfondir et d’aborder les différents enjeux de la transition dans le cadre de la stratégie client, i.e., de la gouvernance, aux actions mises en place à leur évaluation.
Les recherches présentées dans cette édition ont été publiées en 2021 en Europe et aux Etats-Unis. Nos partenaires entreprises ont également rédigé une réflexion sur un thème, une action ou une idée qui leur semble riche et source de questions nouvelles. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.