Les interactions sociales dans la relation client : maître ou esclave des technologies ?

Nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Aujourd’hui Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Gilles N’Goala.
Ce livre blanc propose une synthèse de 16 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Le choix de Lionel Nicod du C*CM :
Benedict G. C. Dellaert (2019), The consumer production journey: marketing to consumers as co-producers in the sharing economy, Journal of the Academy of Marketing Science, 47, 2, pp.238–254.
Partie 3 : L’adoption des nouvelles technologies par les clients
Paule est employée dans une enseigne de bricolage et depuis le développement du click and collect, elle conseille de moins en moins de clients. Son travail perd de son intérêt et elle en est moins satisfaite. Carole achète régulièrement dans cette enseigne et de plus en plus sur internet. Elle, qui auparavant faisait attention aux employés, ne regarde plus que son écran d’ordinateur. Sa relation à la marque est désormais mécanique et uniquement fondée sur le prix et l’efficacité du processus. Comment remettre de l’humain et de l’attachement dans cette relation ?

Le problème
Le développement des technologies dans les expériences de service a pour conséquence de réduire les interactions humaines entre les employés et les clients. Les caisses automatiques remplacent progressivement les hôtesses de caisse, les commandes en ligne se substituent aux échanges avec le personnel chez Starbucks, les cours enregistrés réduisent les échanges entre étudiants et enseignants. Cette diminution sensible des relations sociales au sein des rencontres de service a une influence négative à la fois sur le personnel, dont la satisfaction au travail diminue, et sur le consommateur, dont les expériences sont moins porteuses de sens.
La question posée par l'article
Face à cette situation, il convient de repenser la place de l’humain et d’améliorer la qualité des interactions. C’est la question que soulèvent les auteurs dans cette recherche. L’article explore comment des interventions simples, ponctuelles et personnalisées des employés peuvent retisser ce lien entre clients et personnel. Paradoxalement, ces actions reposent souvent sur des technologies.
L'étude des chercheurs
Les chercheurs proposent sur une approche originale en s’appuyant sur des courants philosophiques et sociologiques pour analyser l’aliénation produite par la technologie et suggérer ensuite des solutions. Côté employés, ils montrent que la satisfaction au travail est intimement liée au sens généré par le travail en lui-même et les relations avec les autres personnes. Travailler pour un système sans en comprendre la totalité et en voir l’impact sur les clients conduit à la démotivation. Côté clients, les auteurs montrent l’importance croissante du sens associé à la consommation. Le consommateur veut désormais connaître l’endroit où le produit a été créé et la personne qui l’a fabriqué. Les récents événements liés à la pandémie en sont l’exemple. Ils ont mis en avant des actes de consommation porteurs de sens comme faire ses courses dans des magasins de proximité pour soutenir le petit commerce et « se révolter » face aux GAFA. Face à cette aliénation liée à la technologie et ce besoin de relations humaines, les auteurs proposent de réintroduire des interactions sociales à forte valeur ajoutée en personnalisant mieux les échanges. Pour ce faire, ils abordent la personnalisation dans les deux sens : personnaliser le producteur pour le client et personnaliser le client pour le producteur.
Ainsi, l’entreprise doit veiller à ce que l’employé soit considéré et perçu par le client comme une personne à part entière et non uniquement comme une fonction. Le consommateur doit savoir que c’est Pierre, qui a réalisé la vente, et qu’il sera là les lundis et vendredis pour le conseiller. Inversement, l’employé doit connaître son client. Il doit savoir qu’il vend son produit à Sabrina, mère de deux enfants, encartée dans le magasin depuis 10 ans. Cette personnalisation est particulièrement complexe, car la consommation de masse induit une masse d’interactions et de personnes différentes. C’est dans ce sens que les technologies peuvent être un outil puissant. Elles peuvent tisser des liens et créer de la connaissance mutuelle. Les données clients, si elles sont bien fournies, permettent à la fois de motiver les employés, car ils savent pour qui ils réalisent leurs tâches, et les clients, en proposant une expérience personnalisée. De même, les informations relatives aux employés sont à la fois un vecteur de sens pour le consommateur, qui connaît l’histoire des producteurs et des produits, et un outil de motivation pour les employés qui sentent leur travail valorisé et unique.
So what ? L'analyse du C*CM
Cet article est intéressant, car il pose une question philosophique centrale, celle de la place de la technologie dans la société et, plus précisément, en ce qui nous concerne, dans la relation client. Il propose des solutions pour que la technologie, d’abor présentée comme source d’aliénation et de perte d’interactions sociales, devienne un instrument pour réhumaniser l’expérience et améliorer sa personnalisation.
Le regard des partenaires
Cet article met en exergue l’importance d’identifier les moments clés du parcours client et de mettre en œuvre une interaction personnalisée grâce à la technologie afin que cet instant soit la base d’une relation forte. Cette personnalisation doit s’inscrire dans une démarche volontaire du client pour respecter les aspects de privacy et ne pas être contreproductive.
A bientôt !
Maison Du Client.

Le C*CM en bref…
Le CCM (Center for Customer Management) est un espace d’échanges entre académiques et professionnels à la pointe du management de la relation client. Il associe les responsables, consultants et chercheurs dans la réflexion sur les pratiques, les expériences et les tendances sur ce que sera la stratégie client de demain.
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 14 chercheurs français d’horizons divers, spécialistes de la relation client, désireux d’enrichir, par les échanges entre milieux académiques et professionnels, la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, Pôle Léonard de Vinci
- Kiane Goudarzi, Université Lyon 3
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, CY Cergy Paris Université
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon 3
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. De ces interactions régulières naissent des apprentissages riches et partagés qui donnent tout son sens au C*CM : un hub d’actualisation et de développement des connaissances en vue du renforcement d’expertises sur la stratégie client.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Plus que jamais, le management des clients est une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation sont des enjeux clés, fortement bouleversés par la digitalisation de nos économies.
Pour étudier en profondeur ces questions stratégiques, le C*CM mobilise l’expérience accumulée par de nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis. Le livre blanc 2021 présente ainsi une sélection de recherches académiques publiées en 2020.
L’objectif de ce livre blanc est de proposer des synthèses accessibles des recherches en faisant le pont entre la recherche académique et les praticiens. Il participe ainsi à l’enjeu d’une science ouverte dont les résultats sont partagés et discutés par le plus grand nombre. La crise sanitaire en lien avec la Covid-19 que nous traversons montre qu’une approche scientifique permet de partager et d’identifier les pratiques les plus pertinentes !
Toujours dans cet esprit de partage, le C*CM s’est enrichi, grâce au concours de ses partenaires, d’un nouveau site internet : https://ccm.academy
Comme chaque année, les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues faisant référence. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés à travers plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « so what » qui explique comment tirer parti de ces expériences dans les pratiques d’entreprises. Un commentaire résultant du regard d’un professionnel est rajouté dans lequel nos entreprises partenaires livrent leur propre analyse.
Le choix des articles est justifié par leur capacité à susciter l’intérêt des praticiens et à déboucher sur des réponses concrètes et des recommandations pratiques. La diversité des membres du C*CM permet d’enrichir le livre blanc d’approches complémentaires par l’accent mis sur le digital, l’approche servicielle, les programmes de fidélité ou encore l’expérience client…
Quatre thématiques émergent des publications retenues cette l’année :
- La prise en compte des facteurs de contingences contextuels et individuels lors du design des
parcours clients ; - Le développement des modes de communication relationnels et engageants ;
- L’adoption des nouvelles technologies par les clients ;
- L’utilisation du registre des émotions pour gérer l’insatisfaction client.
Nos partenaires entreprises ont également rédigé une réflexion sur un thème, une action ou une idée qui lui semble riche et source de questions nouvelles. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.