Les managers voient-ils la vie de leurs clients en rose ?

Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).

Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Pierre Volle.

Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.

Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.

Le choix de Pierre Volle du C*CM

G. Tomas M. Hult, Forrest V. Morgenson, Neil A. Morgan, Sunil Mithas et Claes Fornell (2017), Do managers know what their customers
think and why?, Journal of the Academy of Marketing Science, 45, 37-54.

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Stéphane est responsable de la relation client pour une chaîne d’environ 200 hôtels en France. Il gère l’ensemble des canaux et des dispositifs qui permettent d’interagir avec les clients au quotidien : chatbot et application mobile, centre de contacts, site web, page Facebook et compte Twitter.

Comme pour de nombreux autres managers en charge de la relation client, la satisfaction et la fidélisation des hôtes ont pour lui des objectifs stratégiques. Fort de son expérience de huit ans dans le secteur de l’hôtellerie,  Stéphane est déjà un manager chevronné.

Pour autant, comprend-il bien pourquoi ses clients sont plus ou moins fidèles ? L’étude menée par Hult et ses collègues montre que Stéphane voit probablement ses  clients avec des lunettes roses – qu’il surestime leur satisfaction – et qu’il ne sait pas exactement pourquoi ses clients sont fidèles ou non.

Le problème

Les managers en charge de la relation avec les clients sont exposés à un risque important : celui de voir leurs clients avec des lunettes roses. En conséquence, les entreprises seront moins encouragées à prendre
les décisions qui s’imposent pour fidéliser leurs clients. Comment sensibiliser les managers à ce risque ?

La question posée par l'article

Les managers savent-ils véritablement pourquoi leurs clients sont fidèles ?

L'étude des chercheurs

La recherche repose sur le modèle ACSI (American Customer Satisfaction Index), développé dans les années 1990, essentiellement aux USA. De très nombreuses études et recherches scientifiques montrent la robustesse de ce modèle qui permet de modéliser, d’une part, les déterminants de la satisfaction et, d’autre part, l’impact d’une amélioration de la satisfaction.Le modèle ACSI montre que le principal  déterminant de la satisfaction des clients est la valeur perçue de l’offre (perception de la valeur qui résulte d’un écart entre la qualité perçue de l’offre et les attentes du client). Le modèle montre également qu’une amélioration de la satisfaction diminue les réclamations et augmente la fidélité des clients.

L’étude de Hult et de ses collègues consiste à estimer le modèle ACSI auprès de deux échantillons :  un échantillon de 70 000 clients et un échantillon de 1 068 managers en charge d’équipes en relation
directe avec les clients. Les coefficients du modèle sont ensuite comparés entre les deux échantillons. La démarche suivie par les chercheurs consiste à déterminer si les coefficients du modèle sont égaux entre
les deux échantillons. Dans le cas où ces coefficients sont égaux, on peut conclure que les managers ont une bonne compréhension de leurs clients. Si les coefficients diffèrent entre l’échantillon des clients et celui des managers, on peut conclure que les croyances des managers s’écartent de la réalité des clients.
Après avoir estimé le modèle ACSI sur les deux échantillons, les chercheurs montrent que les coefficients des
managers ne sont pas les mêmes que ceux des clients. Plus précisément, les managers surestiment la
satisfaction et la fidélité de leurs clients. Ils sous-estiment également l’impact de la qualité sur la satisfaction et
l’impact de la satisfaction sur les réclamations et sur la fidélité.

En conclusion : les croyances des managers s’écartent de la réalité des clients. L’expérience des  clients est moins satisfaisante que ne le pensent les managers. Par ailleurs, la satisfaction est encore plus essentielle qu’ils ne le pensent pour fidéliser les clients.

So what ? L'analyse du C*CM

L’optimisme des managers – en particulier, le fait qu’ils surestiment la satisfaction de leurs clients –
peut constituer un obstacle lorsqu’il s’agit de mettre en place des programmes d’amélioration de la satisfaction. Il est indispensable de partager le résultat des études de satisfaction avec les managers en charge de la relation client, de les rassurer sur la robustesse des dispositifs de feedback, afin que leurs perceptions s’accordent avec celles des clients. Cela devrait conduire les entreprises à faire plus d’efforts pour
satisfaire les clients, notamment en étant plus ambitieux sur la qualité des propositions de valeur.

Le regard des partenaires

Il est essentiel de prendre conscience que les clients sont sans doute moins satisfaits et fidèles que ne le pensent les collaborateurs. L’existence de « biais cognitifs » dans la tête des managers peut  s’expliquer de multiples façons, notamment en raison du système de récompense mis en place dans les entreprises, ou être porteur de bonnes nouvelles, en tant que manager, facilite la motivation des équipes.
Pour sensibiliser l’interne et corriger en partie ces biais – condition nécessaire pour que les entreprises
soient encore plus actives en matière de qualité des propositions de valeur, de satisfaction et de fidélisation –
il est indispensable de développer des indicateurs de performance simples et robustes. Il est également
important de ne pas s’appuyer sur des performances moyennes, qui conduisent à des programmes
moyens, mais de regarder attentivement les clients qui évaluent très négativement ou très positivement
l’entreprise. Si la satisfaction est unindicateur de performance essentiel, il faut intégrer d’autres indicateurs
de pilotage, comme l’attachement, car beaucoup de relations ne reposent pas fondamentalement
sur le ressort de la satisfaction, mais plutôt sur une relation affective. Le fait que les collaborateurs prennent
parfois la place des clients est également un très bon moyende les sensibiliser à la qualité de service
rendu par l’entreprise.

Retrouvez deux fois par semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.

A bientôt !

Maison Du Client.

Le C*CM en bref…

Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des  clients :

  • Thierry Delecolle, ISC
  • Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
  • Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
  • Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
  • Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
  • Gilles N’Goala, Université de Montpellier
  • Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
  • Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
  • Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
  • Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
  • Françoise Simon, Université Haute Alsace
  • Eric Stevens, ESSCA
  • Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL

Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.

Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !

Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation, etc. Pour étudier en profondeur ces questions stratégiques, le C*CM mobilise les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis.

Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :

  • La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
  • Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
  • Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
  • L’accès aux articles n’est pas aisé.

Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !

Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche liés à la stratégie client qui pourraient les intéresser. La première édition de livre blanc est parue en septembre 2018 et a rencontré un véritable succès.

Les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Cette année, Grégoire Bothorel (Numberly), a participé à cette édition en proposant un article sur vingt. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le so what qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le regard des pros dans lequel nos entreprises partenaires livrent leur analyse.

Nous  n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser les professionnels, car ils débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Nous sommes tous d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.

Un premier jeu d’articles a été présenté à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs préférés. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.

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