Quand le web se rebelle : les entreprises doivent-elles craindre les protestations en ligne ?

Tout au long de cet été nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).

Cette semaine Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Aïda Mimouni.

Ce livre blanc propose une synthèse de 20 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.

Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.

Le choix de Aïda Mimouni du C*CM :

Tijs van den Broek, David Langley et Tobias Hornig (2017), The Effect of Online Protests and Firm Responses on Shareholder and Consumer Evaluation, Journal of Business Ethics, 146, 2, 279-294

En 2011, Greenpeace a organisé une campagne de protestation en ligne contre le groupe Mattel, appelée “Barbie, it’s over!”. Une vidéo visionnée par 2 millions d’internautes montre ainsi Ken en train de rompre avec Barbie car les emballages utilisés par Mattel proviennent de la déforestation indonésienne, participant ainsi à la disparition des orangs outangs. Ce cas est loin d’être unique, les campagnes de protestation en ligne se sont multipliées ces dernières années sans que l’on sache exactement avec quelles conséquences sur les entreprises et les différentes parties prenantes…

« Ils utilisent des ingrédients dangereux pour notre sante ! »

« Ils ne respectent pas la planète ! »

« Ils prennent les clients pour des pigeons ! »

Le problème

La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) est un sujet majeur qui trouve écho auprès des entreprises elles-mêmes, des pouvoirs publics, des différentes associations et ONG, mais aussi auprès des consommateurs.

S’ils sont peu nombreux à protester dans la rue pour soutenir leurs idées, les consommateurs sont plus enclins à se mobiliser virtuellement. Grâce au développement massif des outils numériques (réseaux sociaux, pétitions en ligne, mailing listes, etc.), la mobilisation devient plus facile : signer des pétitions, relayer les campagnes appelant au boycott ou encore railler l’entreprise incriminée est extrêmement facile.

Mais cette nouvelle forme d’activisme passif (slaktivism) peut-elle réellement nuire à l’entreprise ?
L’article de Van den Broek et de ses collègues apporte un éclairage intéressant sur cette question en étudiant une forme en particulier d’activisme en ligne : les campagnes de protestation en ligne.

La question posée par l’article

Quelles sont les conséquences des campagnes de protestation en ligne sur la réponse des consommateurs et des actionnaires ? Les entreprises peuvent-elles contrecarrer leurs éventuels effets négatifs ?

L’étude des chercheurs

L’étude de 164 protestations en ligne menées entre 1998 et 2011, complétée par une expérimentation auprès de 201 participants réagissant à un scénario fictif de protestation en ligne visant une marque de lait, montre que l’effet négatif intervient à deux niveaux :

(1) Sur le prix de l’action en bourse, il chute de manière anormale dans les deux à trois jours après la protestation. De fait, ce délai entre le début de la campagne et la chute du prix boursier indique que les actionnaires sont pris par surprise ou qu’ils ne prennent pas la protestation au sérieux jusqu’à ce qu’ils réalisent son
ampleur. L’ampleur des effets négatifs de la protestation sur le prix de l’action est d’autant plus grande que le nombre de participants à la campagne est important;

(2) Sur les perceptions des consommateurs et leurs intentions d’achat. La
protestation influence négativement l’attitude envers l’entreprise ainsi que son image et réduit l’intention d’achat de ses produits.
Le nombre de participants est plus grand lorsque la protestation est fortement relayée par les médias, qu’elle est initiée par une ONG ou un organisme public (plutôt que par des individus) et qu’elle remet en cause des valeurs (plutôt que
simplement des produits).

Quatre stratégies de réponses peuvent être poursuivies par une entreprise faisant l’objet d’une protestation en ligne :

  1. Céder à la demande des protestataires,
  2. Dialoguer avec eux pour justifier ses actions,
  3. Nier et contrer la protestation et enfin
  4. L’ignorer.

Aucune de ces stratégies ne permet d’annihiler l’effet négatif de la protestation
sur la réputation de l’entreprise. Pire encore, l’effet négatif est exacerbé si l’entreprise ignore la protestation et refuse de s’expliquer.
Par contre, l’effet négatif sur les ventes peut être réduit si l’entreprise adopte l’une des deux premières stratégies (i.e., céder à la demande des protestataires et dialoguer avec eux).
Lorsque l’entreprise ne répond pas ou contre attaque, l’effet de la protestation sur les intentions d’achat de ses produits reste négatif.

So what ? L’analyse du C*CM

L’activisme passif doit être pris au sérieux. Pour éviter de susciter la colère du web, les actionnaires sont invités à privilégier une évaluation prenant en compte les motivations éthiques des décisions et non pas uniquement leur impact sur des résultats à court terme. Cette recherche confirme par ailleurs qu’en cas d’attaque, la meilleure réponse reste la coopération et non la fuite.

Le regard des partenaires

Les mouvements de protestation en ligne représentent aujourd’hui un des rares contre-pouvoirs qui existent encore et qui soient efficaces.
Les entreprises doivent jouer le jeu, c’est de l’ordre du débat démocratique. Les éteindre avant qu’elles n’aient pu s’exprimer n’est pas très sain.
Lorsqu’une fronde d’une grande ampleur s’organise sur le net, l’entreprise doit se
remettre sérieusement en question ! Au lieu de fuir la contestation, il faut y faire face très rapidement et utiliser les remontées et mécontentements pour s’améliorer.

Il peut être intéressant d’analyser et de gérer ces protestations en ligne en utilisant les recherches en épidémiologie : pour éviter la viralisation, qui doit-on « traiter » en premier ?

Cet article montre aussi tout l’intérêt de se doter de programmes de e-réputation. Non seulement ces derniers sont indispensables pour comprendre ce que disent les clients sur la marque, mais ils représentent en plus des dispositifs de gestion de crise très utiles pour anticiper, voire arrêter la viralité de la contestation. Si l’entreprise échoue à arrêter la contestation à ses débuts, deux solutions, non testées par cet article, peuvent être pertinentes :

  1. Une communication de crise, bien orchestrée dans la durée et au cas par cas ;
  2. L’appui et le soutien d’une communauté des fans et défenseurs de la marque.

Retrouvez chaque semaine une nouvelle synthèse d’article sur les enjeux de la stratégie client.

A bientôt !

Maison Du Client.

Le C*CM en bref…

Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 12 universitaires français d’horizons divers à la pointe du management de la relation client, désireux de favoriser les échanges entre les milieux académique et professionnel, et de contribuer ainsi à la réflexion des responsables, consultants et experts du management des  clients :

  • Thierry Delecolle, ISC
  • Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
  • Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
  • Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
  • Aïda Mimouni-Chaabane, Université de Cergy-Pontoise
  • Gilles N’Goala, Université de Montpellier
  • Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
  • Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon
  • Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine, PSL
  • Françoise Simon, Université Haute Alsace
  • Eric Stevens, ESSCA
  • Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL

Des entreprises partenaires participent également activement aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. Elles nous apprennent autant que nous leur apprenons. Leur fidélité nous est précieuse et sans elles le C*CM n’aurait pas de sens.

Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !

Le management des clients est devenu en quelques années une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises. Acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation : les questions, enjeux et pratiques ne cessent d’évoluer.

Après discussion avec divers chefs d’entreprises, nous avons constaté que peu d’entre eux suivent la littérature académique sur les problématiques client. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :

  • La lecture d’un article de recherche demande trop de temps et d’efforts. Plusieurs heures de lecture sont nécessaires pour comprendre l’article en profondeur ;
  • Le vocabulaire est complexe et la forme peu attrayante ;
  • Il faut en lire beaucoup pour en trouver un avec de « vraies» implications managériales ;
  • L’accès aux articles n’est pas aisé.

Et pourtant, nos partenaires reconnaissent que beaucoup d’outils et de grilles d’analyses qu’ils utilisent proviennent de la recherche !

Riches de ce constat, nous avons décidé de leur faciliter la vie en éditant chaque année un livre blanc qui regroupe une vingtaine d’articles de recherche, liés à la stratégie client, susceptibles de les intéresser. Le C*CM a donc mobilisé au cours des derniers mois les nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis en 2017, pour aboutir à 20 idées fortes issues de la recherche à partager avec les managers concernés par le client.

Ces articles ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues classées par le CNRS. Les enseignants-chercheurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés, au travers de plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « So what » qui explique comment l’on peut en tirer parti dans les pratiques d’entreprises, et le « Regard des partenaires » dans lequel nos entreprises partenaires nous livrent les réflexions que leur ont inspirées les articles. Nous n’avons pas la prétention d’avoir choisi les « meilleurs » articles mais ceux qui sont susceptibles d’intéresser le plus les professionnels, ceux qui débouchent sur des réponses concrètes, des recommandations pratiques. Les enseignants-chercheurs du C*CM sont tous issus d’horizons différents, certains plus sensibles au digital, d’autres aux services, d’autres encore aux programmes de fidélité ou à l’expérience client… Cette diversité colore le livre d’approches complémentaires.

Un premier jeu d’articles a été présenté, lors d’une journée d’échanges, à nos partenaires qui ont commenté et sélectionné leurs articles préférés. Nous leur donnons la parole dans les premières pages, avant de vous proposer la lecture des fiches de présentation des 20 articles sélectionnés.

Nous sommes donc heureux et fiers de vous présenter cette première édition du Livre Blanc du C*CM, et vous donnons rendez-vous l’année prochaine pour partager avec vous ce que nous aurons retenu de la recherche en 2018 !

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