Être une marque activiste : une stratégie qui n’améliore ni les attitudes ni les comportements des clients !

Nous vous proposons de découvrir en avant-première un article issu du prochain livre blanc du C*CM (Center for Customer Management – référence française de la recherche académique en stratégie client).
Aujourd’hui Maison Du Client, partenaire du C*CM, est très heureux de partager avec vous le travail de Aïda Mimouni Chaabane.
Ce livre blanc propose une synthèse de 16 articles de recherche qui ont été publiés en Europe et aux Etats-Unis au cours de ces derniers mois. Ils évoquent les enjeux de la relation client.
Pour chacun de ces articles, les universitaires du C*CM ont extrait les points clés de façon à proposer des recommandations pour les décideurs.
Le choix d’Aïda Mimouni Chaabane du C*CM :
Mukherjee S. et Althuizen N. (2020). Brand activism: Does courting controversy help or hurt a brand?, International
Journal of Research in Marketing, 37(4), 772–788.
Partie 2 : Le développement des modes de communication relationnels et engageants
Être une marque activiste : une stratégie qui n’améliore ni les attitudes ni les comportements des clients !
En novembre 2020, Decathlon prend la décision de retirer ses publicités de la chaine d’information CNews pour la période de fin d’année. Selon le collectif « Sleeping Giants », cette décision serait motivée par l’orientation politique, marquée très à droite, de la chaîne. Elle a suscité plusieurs réactions négatives de la part de personnalités politiques de droite, suivies d’appel au boycott de la marque sur les réseaux sociaux. Le #BoycottDecathlon a alors été placé en tête des tendances sur Twitter. La marque ne s’est pas exprimée sur les appels au boycott.

Le problème
Les consommateurs n’ont jamais été aussi en attente de responsabilité et de contribution sociétale de la part des entreprises. Mais au-delà de l’adoption et de la mise en place de démarches RSE qui font généralement consensus auprès des clients, de plus en plus d’entreprises (e.g., Nike, Starbucks, Netflix) prennent position ouvertement sur des sujets sociétaux et politiques clivants qui font débat et divisent l’opinion publique comme l’immigration, le mariage pour tous ou encore les violences policières. Ces marques ont-elles raison ? Comment les clients réagissent-ils à cette stratégie, qualifiée d’activisme ?
La question posée par l'article
Une stratégie d’activisme (i.e., prendre position publiquement sur des sujets sociétaux clivants) permet-elle d’améliorer l’attitude et les intentions d’achat des consommateurs ?
L'étude des chercheurs
Cinq expérimentations sont menées pour étudier les attitudes et les comportements des consommateurs qui adhérent ou non à des prises de position publiques par une marque sur des sujets sociétaux clivants (l’immigration, l’avortement et la liberté d’expression).
Les réactions des consommateurs sont analysées à travers leurs attitudes ainsi que leurs comportements (choix de la marque et intention de partager des nouvelles positives à propos de la marque sur les réseaux sociaux). Les résultats de la recherche permettent de conclure sur les effets de la prise de position sur la réaction des consommateurs et les facteurs qui l’influencent :
- Les effets de la prise de position sur la réaction des consommateurs est asymétrique : absence d’effet pour les consommateurs qui partagent la prise de position de la marque ; effet négatif pour ceux qui ne la partagent pas. Cet effet s’explique par l’identification client-marque. Il est robuste car il est observé aussi bien pour des marques familières que des marques non familières et pour différentes prises de position.
- Plus la source de la prise de position est perçue comme éloignée de la marque (le CEO de l’entreprise qui s’exprime au titre de citoyen vs. porte-parole de la marque) moins la réaction est négative.
- Lorsque la marque est publiquement critiquée, les consommateurs qui adhérent à la prise de position la soutiennent et leurs attitudes deviennent plus favorables. En revanche, aucun effet n’est enregistré pour les consommateurs qui n’y adhèrent pas.
- Si la marque réagit aux critiques en présentant des excuses, cela détériore les attitudes des consommateurs qui adhèrent à la prise de position de la marque, sans pour autant améliorer les réactions négatives de ceux qui n’y adhèrent pas.
So what ? L'analyse du C*CM
La recherche a le mérite de s’attaquer à une problématique très actuelle et de guider les entreprises de manière concrète. Si l’objectif de l’activisme de la marque est de générer des attitudes et des comportements favorables de la part des consommateurs, cette stratégie est à éviter : non seulement elle génère des réactions négatives de la part des consommateurs qui ne partagent pas la prise de position de la marque mais, en plus, ne permet pas d’engager les clients qui y adhèrent. Il vaut mieux donc que la politique de RSE de la marque porte sur des sujets lisses et consensuels. Dans le cas où la marque utilise l’activisme comme mode relationnel et que ce dernier génère des réactions publiques négatives, elle n’a pas intérêt à présenter des excuses. Cela n’a pas d’effet sur les clients qui ne partagent pas la prise de position de la marque et dégrade l’attitude de ceux qui y adhèrent. Une question reste en revanche posée : quid de l’activisme « désintéressé » ? S’engager dans l’activisme pour bousculer et changer la société représente-t-il une stratégie efficace ?
Le regard des partenaires
L’article soulève une question cruciale : les marques sont-elles légitimes pour prendre position publiquement sur des sujets sociétaux importants ? Il tend à confirmer une conclusion attendue et intuitive : s’engager dans des polémiques ne sert pas les intérêts de la marque. Il serait néanmoins intéressant de pousser l’investigation plus loin en :
- Prenant en compte les différences culturelles puisque dans certains pays/cultures l’activisme des marques est attendu et accepté.
- Examinant l’effet de l’activisme dans la durée pour voir si l’effet négatif et asymétrique disparait lorsque la marque fait de l’activisme un attribut fondamental de son ADN.
- Prenant en compte les stratégies des marques concurrentes pour tester les effets de masse et de conformisme.
A bientôt !
Maison Du Client.

Le C*CM en bref…
Le CCM (Center for Customer Management) est un espace d’échanges entre académiques et professionnels à la pointe du management de la relation client. Il associe les responsables, consultants et chercheurs dans la réflexion sur les pratiques, les expériences et les tendances sur ce que sera la stratégie client de demain.
Le Center for Customer Management (C*CM) rassemble 14 chercheurs français d’horizons divers, spécialistes de la relation client, désireux d’enrichir, par les échanges entre milieux académiques et professionnels, la réflexion des responsables, consultants et experts du management des clients :
- Thierry Delecolle, Pôle Léonard de Vinci
- Kiane Goudarzi, Université Lyon 3
- Florence Jacob, Université de Nantes – IAE
- Eric Julienne, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Paris-Saclay
- Sylvie Llosa, Université d’Aix-Marseille – IAE
- Aïda Mimouni-Chaabane, CY Cergy Paris Université
- Gilles N’Goala, Université de Montpellier
- Lionel Nicod, Université d’Aix-Marseille
- Virginie Pez, Université de Paris Panthéon- Assas
- Isabelle Prim-Allaz, Université de Lyon 3
- Valérie Renaudin, Université Paris-Dauphine
- Françoise Simon, Université Haute Alsace
- Eric Stevens, ESSCA
- Pierre Volle, Université Paris-Dauphine, PSL
Des entreprises partenaires participent également aux réflexions du C*CM et le soutiennent financièrement. De ces interactions régulières naissent des apprentissages riches et partagés qui donnent tout son sens au C*CM : un hub d’actualisation et de développement des connaissances en vue du renforcement d’expertises sur la stratégie client.
Un livre blanc sur les recherches en management de la relation client… by C*CM !
Plus que jamais, le management des clients est une priorité stratégique pour de nombreuses entreprises : acquisition de clients, intelligence client, amélioration de l’expérience client, programmes relationnels, management de communautés de clients, dématérialisation de la relation sont des enjeux clés, fortement bouleversés par la digitalisation de nos économies.
Pour étudier en profondeur ces questions stratégiques, le C*CM mobilise l’expérience accumulée par de nombreuses recherches publiées en Europe et aux États-Unis. Le livre blanc 2021 présente ainsi une sélection de recherches académiques publiées en 2020.
L’objectif de ce livre blanc est de proposer des synthèses accessibles des recherches en faisant le pont entre la recherche académique et les praticiens. Il participe ainsi à l’enjeu d’une science ouverte dont les résultats sont partagés et discutés par le plus grand nombre. La crise sanitaire en lien avec la Covid-19 que nous traversons montre qu’une approche scientifique permet de partager et d’identifier les pratiques les plus pertinentes !
Toujours dans cet esprit de partage, le C*CM s’est enrichi, grâce au concours de ses partenaires, d’un nouveau site internet : https://ccm.academy
Comme chaque année, les articles qui composent ce livre blanc ont été choisis par les membres du C*CM dans des revues faisant référence. Les contributeurs ont synthétisé, contextualisé et illustré les articles sélectionnés à travers plusieurs rubriques qui rythment les fiches de présentation : la problématique client, ce que dit la recherche sur ce thème, le « so what » qui explique comment tirer parti de ces expériences dans les pratiques d’entreprises. Un commentaire résultant du regard d’un professionnel est rajouté dans lequel nos entreprises partenaires livrent leur propre analyse.
Le choix des articles est justifié par leur capacité à susciter l’intérêt des praticiens et à déboucher sur des réponses concrètes et des recommandations pratiques. La diversité des membres du C*CM permet d’enrichir le livre blanc d’approches complémentaires par l’accent mis sur le digital, l’approche servicielle, les programmes de fidélité ou encore l’expérience client…
Quatre thématiques émergent des publications retenues cette l’année :
- La prise en compte des facteurs de contingences contextuels et individuels lors du design des
parcours clients ; - Le développement des modes de communication relationnels et engageants ;
- L’adoption des nouvelles technologies par les clients ;
- L’utilisation du registre des émotions pour gérer l’insatisfaction client.
Nos partenaires entreprises ont également rédigé une réflexion sur un thème, une action ou une idée qui lui semble riche et source de questions nouvelles. Cette co-création du livre blanc a été un véritable plaisir pour tous.